Exclusion de garantie ou délimitation d’activité ? Ce que dit (vraiment) la jurisprudence récente

En matière d’assurance construction, une ligne ténue sépare ce que la loi permet — et ce qu’elle interdit. Où finit la liberté contractuelle de l’assureur ? Où commence la protection impérative du maître d’ouvrage ou du constructeur ? Cette question, récurrente dans les litiges en assurance RCD (Responsabilité civile décennale), a été à nouveau tranchée — avec nuances — par la Cour de cassation.
Une affaire emblématique : l’arrêt du 30 janvier 2019
Dans cette décision (Cass. 3e civ., 30 janv. 2019, n° 17-31121), la Cour valide le refus de garantie opposé par un assureur à un entrepreneur. Motif : le contrat stipulait que la garantie ne couvrait que les travaux réalisés selon un procédé précis — ici, le procédé d’aménagement de combles « Harnois ». Or, dans les faits, ce procédé n’avait pas été utilisé.
À première vue, cette décision semble faire primer la lettre du contrat sur la protection de l’assuré. Mais la Cour prend soin de préciser que ce procédé technique ne constitue pas une simple modalité d’exécution, mais l’objet même de l’activité déclarée. Autrement dit, il ne s’agit pas d’une exclusion de garantie camouflée — mais d’une délimitation contractuelle légitime du risque.
La ligne rouge : entre modalité d’exécution et objet garanti
La jurisprudence antérieure avait pourtant posé un principe clair : les assureurs ne peuvent opposer à l’assuré des restrictions techniques dissimulées dans les clauses relatives à l’activité garantie (Cass. 3e civ., 10 sept. 2008, n° 07-14884). Toute clause tendant à écarter un sinistre en raison de la façon dont les travaux ont été réalisés (et non de leur nature) est réputée non écrite.
Mais depuis quelques années, un glissement s’opère : les assureurs précisent de plus en plus le périmètre technique des activités couvertes, non plus dans les exclusions, mais dans la définition même de l’activité assurée. Une pratique admise par la Cour, à condition que cela reflète la volonté réelle des parties et ne constitue pas une manœuvre pour contourner les règles protectrices du Code des assurances.
Jurisprudences récentes : continuité ou revirement ?
Plusieurs arrêts postérieurs ont confirmé cette ligne interprétative :
- Cass. 3e civ., 16 janvier 2020, n° 18-22108 : le procédé technique non déclaré ne relève pas de la garantie.
- Cass. 3e civ., 2 mars 2022, n° 21-12096 : la garantie ne couvre que l’activité déclarée par le constructeur ; en dehors de ce cadre, il y a non-assurance, pas exclusion.
Autrement dit, l’assureur peut refuser sa garantie si l’assuré exerce une activité en dehors de celle précisément déclarée au contrat, y compris si cette activité consiste à utiliser un procédé différent.
Mais attention : il ne peut conditionner la garantie à des modalités d’exécution techniques particulières au sein même d’une activité déclarée, sauf à tomber dans le champ des exclusions de garantie illicites.
En clair : ce qu’il faut retenir
- L’assureur peut limiter sa garantie à une activité technique précise (ex. : usage exclusif du procédé Harnois).
- Il ne peut pas exclure sa garantie parce qu’un procédé technique différent a été utilisé, si l’activité principale est restée la même (ex. : aménagement de combles).
- La jurisprudence fait donc la différence entre :
→ “activité déclarée” (ce qui peut être délimité),
→ et “modalités techniques d’exécution” (ce qui ne peut pas être exclu).
Ce que cela implique pour les professionnels
Pour les maîtres d’ouvrage, comme pour les entreprises du bâtiment, cette jurisprudence impose une vigilance accrue. Lors de la souscription d’une assurance RCD :
- La déclaration d’activité doit être exhaustive, précise et fidèle à la réalité des prestations réalisées.
- Toute évolution (nouvelle technique, nouveau domaine d’intervention) doit faire l’objet d’une actualisation du contrat.
- En cas de doute, il est impératif de se faire accompagner par un courtier expert, capable de décrypter les clauses d’activité et d’anticiper les zones de risque.
Conclusion : ce que défend ABE Courtage
Chez ABE Courtage, nous suivons de près cette évolution jurisprudentielle. Parce qu’un contrat mal rédigé peut coûter plus cher qu’un sinistre. Parce que les mots dans un contrat d’assurance ont un poids juridique — et un impact économique.
Notre métier : protéger les entreprises contre les angles morts du langage juridique. Et leur permettre d’exercer leur activité avec confiance, transparence, et couverture réelle.
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